Publications :
Perceptions
La Bartavelle (poésie)
Une Arche sur l’Immortel
La Bartavelle (poésie)
Sous l’écorce des mots
Trigramme (poésie)
Sur les traces de la Déesse
Altess (poésie ; essai)
Orphée
Actes Sud (prose poétique)
La Divine Primitive
Olivier & Christine Walter
Unicité (poème en prose)
Humus et lueurs d'étoiles
Unicité (Récits, Haïkus)
Orphée
(in Visages et métamorphoses d’Orphée, Actes Sud)
Ton nom en dit déjà long sur qui tu es. Dans le langage des oiseaux, tu serais la lumière de l’or et la magie subtile de la fée…
Homère et Hésiode narrent à demi-ton dans leurs récits l’énigme de la Toison d’or à laquelle s’agrège ton image. De Jason le compagnon d’armes ou de lyre, devrait-on dire, tu sus déjà sous le soleil de la mer ionienne et de la mer Egée faire vibrer la corde de ton Art.
Les rochers des Symplégades* reculèrent au son de ta voix, et la mélopée tentatrice du chant des Sirènes se brisa sur les cordes de ta lyre… Tu sauvas les marins d’un funeste destin et permit à Jason de vaincre le monstre chtonien qui gardait la Toison. Oui, c’est sous l’effluve de ton chant que le héros se surpassa…
Et loin de tout repère temporel, ton nom s’élève dans les nues dès lors que la musique protège le monde de son insigne ignorance… Orphée « le ténébreux », Orphée « le lumineux », quel mystère accole à ton aura une couronne d’épines et de fleurs ? Dans l’imaginaire de l’Artiste qui crée le monde quand il le rêve, tu es un être double : sur ton front se condensent la lumière d’Apollon et la sombre démesure de Dionysos.
L’Orphée solitaire nourri du son cosmique devient l’Orphée des passions et des affres humaines. Sur la pointe de ton art se nouent l’incomparable beauté et la vertigineuse plongée dans les abîmes. Et si se rallient à toi les rochers, les arbres et les tigres, l’éternel Féminin n’en demeure pas moins proche. Ta musique est un charme, un onguent, un sortilège peut-être… Sur tes traits se lit le reflet d’une onde insondable. Qui es-tu ?
N’est-ce point l’Innocence qui te porte et transfigure ton sourire et ta voix ? Car enfin, plus qu’un dieu ou demi-dieu, n’es-tu pas épiphanie d’une Image qui se dissout si tôt créée, et laisse dans son sillon un son ineffable ? C’est ta présence qui fait vibrer le caillou, la plante, l’animal et l’Homme dans la perfection de sa forme. Ta Geste ne s’apparente guère à l’habileté du démiurge. Tu es la musique de la Terre avec ses accents primitifs parce qu’en toi rayonne l’harmonie céleste. Orphée le double, Orphée l’indéfini…
Et si l’éternelle Eurydice subit la morsure du serpent, est-ce le fait de ta négligence ou prétexte à la transcendance ? Es-tu la cause de l’appétence d’un berger ou es-tu tout entier voué à la Musique des sphères ?
Qui a affronté les dangers aux côtés des Argonautes ne craint guère Cerbère, Pluton et Proserpine ! Et dans ton cortège de folle joie, dans ton cortège sylvestre et solaire, tu descends visiter l’Ombre confiant, parce que tu aimes la musique à travers l’aimée ; tu affrontes le gardien des Enfers et le couple infernal des Ténèbres avec un cœur magnanime, parce que tu habites la douceur inaliénable de la musique…
Si tu te retournes sur l’éternelle amante, ce n’est point par impatience, perversion ou faiblesse d’esprit. Non ! Tu fais volte face parce qu’Eurydice est devant toi, parce qu’Eurydice est devenue en toi musique… Et l’égérie d’une respiration ne saurait survivre à cette mort prématurée du corps. C’est dans les veines et le sang de tes accords qu’elle devient immortelle ! Et c’est l’Harmonie, la Mélodie, le Rythme universels qui, dans les traits impassibles du sacrifice annoncent ta propre mort pour que vive la musique.
Et tu poursuis égal ta route étoilée sous la menace des Ménades… Que valent tes membres et ton sang sous la colère aveugle et les dents acérées de la Furie avide de bruit ? Tu le sais ! Ta tête décapitée et ta lyre sur le fleuve sont l’essence de ton chant. Et dans l’offrande consentie, ta lumière se fait chair et ton souffle substance. Tu es le son pur, et on ne saurait déchiqueter la Musique éternelle.
C’est ce que tu nous murmures, Orphée, par-delà le temps et l’espace.
La Divine Primitive (extrait)
(…)
- «Nos âmes dispersées naguère
par la grâce d’un vœu
se reconnaissent enfin
étonnées et tremblantes
La Rencontre s’est accomplie
Nos mains nos lèvres se sont rejointes
Nos yeux assoiffés ne se quittent plus
Nos mots d’Amour murmurés
- épées trouant la poitrine
nous enchaînent plus sûrement
qu’un baiser brûlant
Et j’erre avec une faim que j’ignorais
le cœur inconsolable
sans l’éclat de ta Présence
Ô mon Unique
moi ici toi là
pour combien de temps ?
L’attente
- oh mon âme se révolte
est un flambeau
qui brûle nuit et jour
Elle déchire la nuit
et dans la faille du rêve
je te rejoins pour t’aimer
Véga allume le ciel
aussitôt suivie de Deneb et Altaïr
telles les Parques qui me veillent la nuit
tissant une couronne de chêne vert
Atropos de noir vêtue
me parle à demi-mot
de la destinée des mortels
La nuit solennelle
fomente un passage...
- car il faudra d’abord mourir
Anubis se tient à ma droite
avec sa gueule noire de chacal
immobile attentif
Le bûcher est allumé
les braises rougissent la nuit
Je suis prête ô Bien-Aimé
pour l'ultime sacrifice...
Il faudra se défaire
de ce qui alourdit encore
nos cœurs trop fiers
déchirer nos figures
et brûler nos vieux parchemins
- tout réécrire
Alors enduits de cette cendre
- notre alliance à jamais scellée
nous pourrons déployer nos ailes
Esprits de lumière
phénix flamboyants
rejoignant les premières lueurs
de l'aube rédemptrice»
- «Le jour est proche
ô mon Âme
où le Verbe et le Baiser
seront un fruit unique
- mûri au Feu d’un Soleil rédempteur
Ferons-nous notre jeu
d’être secoués par les flots
du doute et de la nécessité ?
Si l’attente est un flambeau
qui brûle nuit et jour
l’évidence qui unit et scelle
nos lèvres nos mains et nos cœurs
est le Chariot de lumière
du grand voyage
Nul génie nul dieu nul homme
ne peut nous faire choir
de cette monture !
Nos poings tiennent les rênes
des huit coursiers rétifs
qui hennissent aux vents
martelant le vieux monde
Je me glisse à mon tour
dans l’interstice du songe
et réponds à ton Amour
- la frontière
entre réalité rêve et sommeil
est si ténue !
Les fileuses du Destin
dans leur robe de lin
ont tissé notre Rencontre
- Ne te souviens-tu pas qu’elles président
à la Foudre aux Tonnerres aux Eclairs ?
Oui ! S’il en reste des traces
il faudra dépouiller ses défroques
découronner Moloch
détrôner Léviathan !
Pour l’ultime sacrifice
soyons comme l’hélianthe :
ne cillons point des yeux
en fixant le soleil
Jamais ne détournons
notre face de l’Astre
qui dans l’azur de notre Amour
deviendra la Figure
Ô Bien-Aimée
tu rêves d’une nouvelle aube…
Ne la vois-tu pas naître
dans la Nuit profonde
de notre immortelle étreinte ?» (…)